Observatoire

Rapport de l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement 2021

Mise en ligne le 22 Juillet 2022
Banque de France - Philippe Jolivel

Par François Villeroy de Galhau

Après une année 2020 marquée par les mesures sanitaires, 2021 a été l’année de la reprise économique et du rebond sous-jacent des flux de paiement, avec la confirmation de nouvelles habitudes des consommateurs, plus numériques et dématérialisées, qui se sont durablement installées.

Dans ce rapport annuel 2021, l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement constate que cette numérisation des usages s’accompagne de nouvelles menaces sur les moyens de paiement, avec une croissance marquée des escroqueries et des modes opératoires reposant sur la manipulation. Dans ce contexte, les actions engagées par l’Observatoire et les professionnels des paiements, conjuguées à la vigilance des utilisateurs, ont permis de préserver en 2021 un haut niveau de sécurité et de confiance dans les moyens de paiement scripturaux.

Le chapitre 1 du rapport présente les évolutions des flux et de la fraude aux moyens de paiement en 2021. L’assouplissement des mesures sanitaires et la reprise économique associée ont engendré une très forte croissance des transactions scripturales (+ 12,4 % en nombre, + 17,5 % en montant), supérieure à la croissance économique, confirmant ainsi la numérisation rapide et durable des usages de paiement :

  • La carte bancaire conforte son statut de principal moyen de paiement, avec près de 61 % du nombre total d’opérations scripturales. Avec la pandémie, le sans contact est devenu le mode de paiement favori des Français en magasin, représentant désormais plus de la moitié des transactions par carte en proximité (57 %). Le paiement sans contact par mobile, même s’il reste encore limité à 3% des opérations en magasin, a également vu ses flux tripler en 2021, laissant présager une forte hausse de cet usage dans les années à venir. Enfin, le paiement par Internet a continué sa progression dynamique (+ 21 % en 2021), toujours porté par la croissance du commerce électronique et des nouveaux modes de consommation (retraits en magasins d’achats effectués à distance comme le drive ou le click & collect, livraisons à domicile du quick commerce, abonnements en ligne, etc.) ;
     
  • À côté de la carte bancaire, le virement instantané s’installe également dans le paysage des moyens de paiement scripturaux. Son utilisation a plus que doublé en 2021, représentant désormais plus de 2 % du total des virements. Certes encore en retrait par rapport à d’autres pays européens, son usage en France est résolument appelé à croître dans les prochaines années, en lien avec les stratégies nationale et européenne sur les moyens de paiement ;
     
  • En parallèle, malgré la reprise économique, les moyens de paiement traditionnels restent en repli. Le chèque poursuit sa décrue, qui est certes moins forte qu’avant la pandémie, avec un recul de 6 % du nombre de transactions et de 4 % des montants échangés. Avec l’assouplissement des mesures sanitaires, les retraits d’espèces par carte résistent mieux (+ 2,1 % en nombre), leur croissance étant toutefois inférieure à celle du total des transactions.

Dans ce contexte de très forte hausse des transactions scripturales, en partie liée à un effet de rattrapage après une année 2020 atypique, le suivi statistique de l’Observatoire montre que la fraude observée sur les paiements émis en France progresse en valeur à un rythme deux fois inférieur aux flux pour atteindre 1,2 milliard d’euros (+ 8,5 %), et diminue en nombre pour s’établir à 7,5 millions de transactions fraudées (– 3,8 %). Ce résultat encourageant reflète différentes tendances selon les moyens de paiement :

  • Pour la quatrième année consécutive, le chèque reste le moyen de paiement le plus fraudé avec un taux de fraude de 0,079 %. Il concentre 37 % des montants de fraude en 2021, soit 465 millions d’euros. Ces chiffres reflètent une nouvelle approche de la fraude au chèque, plus proche de la réalité des préjudices subis, dans la mesure où l’Observatoire tient désormais compte des tentatives de fraudes qui sont déjouées par les établissements bancaires après la remise du chèque (161 millions d’euros de fraudes déjouées en 2021 à soustraire de 626 millions d’euros d’opérations frauduleuses par chèque) ;
     
  • La carte est très proche du chèque en matière de montants fraudés : 37 % du montant global de la fraude en 2021 pour 464 millions d’euros. Dans un contexte de progression de l’usage de ce moyen de paiement, l’année 2021 marque néanmoins un recul sensible de la fraude en montant (– 1,9 %) et en taux de fraude (0,059 %, après 0,068 % en 2020). L’Observatoire recense ainsi 1,3 million de carte fraudées et mises en opposition en 2021, en recul de 10 % par rapport à 2020. Ces résultats confirment l’efficacité du recours à l’authentification forte pour les paiements à distance, prévu par la deuxième directive européenne sur les services de paiement (DSP 2), et qui s’est progressivement déployé en France en 2021 dans le cadre du plan de migration piloté par l’Observatoire. Ainsi, le taux de fraude sur les paiements à distance chute de 0,249 % en 2020 à 0,196% en 2021 (– 21%), soit son plus bas niveau historique. Avec des risques d’hameçonnage toujours élevés, les numéros de cartes usurpées restent cependant la principale source de fraude à la carte (78 % de la fraude, contre 18 % pour les cartes perdues ou volées), si bien que les paiements sur Internet supportent encore près des trois quarts de la fraude en montant alors qu’ils représentent moins d’un quart des paiements par carte. Dans le même temps, les paiements sans contact confirment leur très haut niveau de sécurité, leur taux de fraude atteignant un plus bas historique de 0,013 %, quasiment équivalent au taux de 0,010 % mesuré pour les paiements de proximité traditionnels avec saisie du code confidentiel ;
     
  • Le virement reste le troisième moyen de paiement le plus fraudé (23% des montants de fraude avec 287 millions d’euros). Toutefois, dans un contexte de progression des flux et d’utilisation privilégiée du virement pour les paiements de masse (salaires, prestations sociales etc.), le taux de fraude par virement reste particulièrement faible et maîtrisé à 0,0007 % (0,0015 % hors virements de gros montant), en légère baisse par rapport à 2020. La maîtrise des taux de fraude est à la fois observée pour les virements de banque en ligne, principalement utilisés par les particuliers (0,0012 %) et pour les virements par canaux télématiques, utilisés par les entreprises et les administrations publiques (0,0006 %). Par ailleurs, dans un contexte de forte hausse des flux, la sécurité du virement instantané reste préservée avec un taux de fraude en légère hausse à 0,045 %, très proche des paiements par carte en France. L’Observatoire note que les détournements de virements, caractérisant des situations où l’initiateur de l’opération est légitime, mais agit sous la manipulation ou la tromperie du fraudeur, sont confirmés comme la première typologie de fraude (59 % des montants fraudés). Ces cas de fraude touchent aussi bien les entreprises, les administrations publiques que les particuliers, les fraudeurs parvenant ainsi à déjouer les mécanismes d’authentification. L’expansion durable des interactions à distance et les usurpations d’identité ou de coordonnées bancaires sont propices à la manipulation directe des utilisateurs qu’il faut continuer de sensibiliser à ces risques. Compte tenu de ces risques, l’Observatoire participera activement aux réflexions visant à identifier de nouveaux leviers de lutte contre la fraude au virement, au bénéfice des établissements bancaires et des utilisateurs ;
     
  • Derrière ces trois moyens de paiement, les montants de fraude affectant le prélèvement, les effets de commerce, la monnaie électronique et la transmission de fonds sont relativement négligeables. L’Observatoire constate toutefois une hausse de la fraude au prélèvement, qui a représenté 25 millions d’euros en 2021, contre moins de 2 millions d’euros en 2020, et dont le taux de fraude (0,0013 %) est particulièrement volatil d’une année sur l’autre au cours des quatre dernières années. L’origine de cette hausse, imputable à un nombre très réduit de créanciers, a été identifiée. Des mesures correctives sont mises en œuvre pour y remédier.

Le chapitre 2 dresse un bilan positif des actions menées par l’Observatoire en 2021 pour renforcer la sécurité des moyens de paiement.

  • Il s’agit tout d’abord du déploiement des mesures d’authentification forte pour les paiements par carte sur Internet, qui a été piloté par l’Observatoire depuis la publication de son plan de migration pour la Place française à l’automne 2019 (voir rapport annuel 2018). L’Observatoire relève avec satisfaction que la Place française a atteint un très haut niveau de conformité aux exigences posées par la DSP 2, à la fois en matière d’équipement des porteurs et de SYNTHÈSE Rapport annuel de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement 2021 traitement des transactions par les commerçants et la chaîne d’acquisition. L’Observatoire se félicite que ces mesures d’authentification forte aient d’ores et déjà permis de faire baisser sensiblement la fraude pour les paiements sur Internet, tout en accompagnant la croissance du commerce électronique et des nouveaux modes de consommation liés. En 2022, l’Observatoire s’attachera à consolider le fonctionnement de ces nouvelles infrastructures d’authentification, tout en continuant à agir contre les fraudes visant à contourner l’authentification forte par manipulation du payeur;
     
  • Un an après la publication de dix nouvelles recommandations sur la sécurité du chèque (voir rapport annuel 2020), l’Observatoire dresse un premier point d’étape encourageant avec la réalisation de plusieurs actions concrètes tant du côté des autorités publiques que du côté des professionnels de la filière, avec par exemple la révision du référentiel de sécurité du chèque de la Banque de France, aboutie en avril 2022. Toutefois, au regard des niveaux toujours élevés de fraude, l’Observatoire appelle les acteurs de la filière à poursuivre et amplifier leurs efforts pour renforcer la sécurité de ce moyen de paiement en décroissance, en ciblant notamment la surveillance des opérations par chèque, la simplification des procédures de mise en opposition et la sécurisation de l’acheminement des chéquiers. En tenant compte des contrôles déjà effectués et de la politique de risques de chaque établissement, la Banque de France s’assurera de la bonne mise en œuvre de ses recommandations par les établissements bancaires dans le cadre de ses actions de surveillance ;
     
  • L’Observatoire réitère enfin, tant auprès des industriels des paiements que des utilisateurs, la validité de ses recommandations sur certains usages en forte croissance, que l’Observatoire avait couverts par ses travaux de veille au cours des années précédentes. Il s’agit notamment de poursuivre les efforts et les investissements pour renforcer la sécurité des virements instantanés de façon à assurer un développement rapide et sécurisé de ce moyen de paiement appelé à croître fortement, de sensibiliser les utilisateurs dans la protection de leurs propres données de paiement au regard des risques toujours élevés d’hameçonnage, et de renforcer la sécurité des enrôlements pour les solutions de paiement mobile.

Le chapitre 3 restitue les travaux de veille de l’Observatoire en matière d’identité numérique des personnes physiques.

L’Observatoire constate en effet que la forte croissance des usages numériques ne s’est pas accompagnée d’une mise à niveau équivalente des processus d’identification. Cela a favorisé la croissance des phénomènes d’usurpation d’identité, souvent associés à des techniques de fraude documentaire, qui fragilisent aussi la sécurité des moyens de paiement en trompant l’une des parties à la transaction. Alors que le gouvernement français développe et teste une identité numérique régalienne, associée à la nouvelle carte nationale d’identité électronique, l’Observatoire appelle d’ores et déjà les acteurs de la chaîne des paiements, mais aussi les utilisateurs, à recourir plus largement aux solutions d’identité numérique et aux services de confiance, comme la signature ou le cachet électroniques, qui offrent des niveaux plus robustes de sécurisation des échanges à distance.

Dans un contexte de rapide évolution des moyens de paiement et de renouvellement continu des menaces, l’Observatoire reste mobilisé pour veiller à la sécurité de l’ensemble des moyens de paiement, qu’ils soient en décroissance, comme le chèque, ou qu’ils soient appelés à se développer dans les années à venir comme le virement instantané ou le paiement mobile. La sécurité de tous les moyens de paiement est la condition pour offrir à tous les utilisateurs, des particuliers aux entreprises, une authentique liberté de choix dans leurs usages au quotidien.

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, président de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement

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