Bulletin de la Banque de France

Baisse de la productivité du travail dans l’industrie en France en 2023 : un constat et des leviers d’action

Mise en ligne le 22 Mars 2024
Auteurs : Pauline Lesterquy, Edith Stojanovic, Honorine Dekoninck, Julien Zory

Résultats de l’enquête menée par la Banque de France en septembre 2023

Bulletin n° 251, article 2. En 2023, divers facteurs ont affecté la quantité et la productivité des heures travaillées dans l’industrie manufacturière, notamment l’absentéisme et les emplois vacants. L’alternance a de nouveau progressé dans 27 % des entreprises, et la rétention de main-d’œuvre s’est accrue dans 11 % des entreprises.

Parmi les déterminants de la baisse de la productivité du travail depuis fin 2019, 92 % des entreprises ont cité la hausse du coût des matières premières et de l’énergie, et 40 % des difficultés d’approvisionnement. Parallèlement, les entreprises ont souligné les problèmes de recrutement (81 %) ainsi qu’un manque de compétences (60 %) ou de qualification du personnel recruté (43 %).

Les principaux leviers d’amélioration de la productivité selon les entreprises sont une meilleure adéquation de leur main-d’œuvre et l’investissement dans des équipements plus performants. Mais certaines s’estiment freinées par le manque de capacité financière, de compétences en interne ou encore l’incertitude réglementaire pour passer à la mise en œuvre.

Image Baisse de la productivité du travail dans l’industrie en France en 2023 : un constat et des leviers d’action
Enquête Banque de France sur les conditions de production dans l'industrie, 2023

La productivité apparente du travail est en décrochage en France depuis 2019. Devulder et al. (2024) estiment à – 8,5 % l’écart entre le niveau de productivité observé au deuxième trimestre 2023 et le niveau qui aurait été atteint si la productivité par tête avait progressé selon la tendance de 2010-2019. Ils décomposent les effets de différents facteurs temporaires et permanents contribuant à ce décrochage dans les branches marchandes (cf. infra). Une grande partie du décrochage observé ne reflète toutefois pas une perte de potentiel productif, mais plutôt un enrichissement de l’activité économique en emplois, par une bascule entre productivité du travail et quantité d’emplois.

Le présent article porte sur le secteur de l’industrie manufacturière, qui revêt une importance particulière en raison du potentiel de gains de productivité (la productivité y étant plus élevée et dynamique que dans le secteur des services) et de création d’emplois, dans un contexte de chômage structurellement élevé. Il vise à identifier et à quantifier l’importance relative de différents facteurs qui peuvent affecter les déterminants de la productivité du travail dans le secteur manufacturier (emplois, heures travaillées, productivité horaire) et à apporter un éclairage prospectif sur les leviers et obstacles potentiels aux entreprises pour augmenter leur productivité. Pour ce faire, il s’appuie sur les résultats de l’enquête sur les conditions de production (ECP) de la Banque de France, réalisée chaque année entre septembre et décembre auprès des entreprises de l’industrie manufacturière, et dont le bloc thématique de 2023 portait sur les évolutions de l’emploi et de la productivité du travail. Les données d’enquête permettent de compléter l’analyse macroéconomique issue de données de comptabilité nationale de l’article de la Banque de France sur ce sujet (Devulder et al., 2024) par un point de vue plus sectoriel ou microéconomique. En effet, les évolutions macroéconomiques de la productivité du travail peuvent masquer des dynamiques hétérogènes entre branches d’activité et même entre entreprises de différentes tailles au sein d’une même branche.

1 Le recul de la productivité du travail dans l’industrie en 2023

La productivité du travail est restée inférieure en 2023 à son niveau pré-Covid

L’évolution des indicateurs de productivité apparente du travail s’avère heurtée en France depuis le début de la crise sanitaire. Partant des comptes nationaux, l’emploi est resté dynamique, alors que l’activité économique, mesurée par la valeur ajoutée en volume, a fortement fluctué depuis 2019 et ne s’est située au troisième trimestre 2023 que 1,8 % au-dessus de son niveau d’alors.

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