Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Juin 2023

  • Nos projections de croissance et d’inflation pour l’économie française à l’horizon 2025 confirment dans l’ensemble celles que nous avons publiées en mars. Globalement, l’économie française réussirait à sortir progressivement de l’inflation sans récession, même si le ralentissement économique est marqué. Les analyses plus en détail montrent cependant plusieurs changements.
     
  • Dans un contexte où les prix de l’énergie se normalisent et où le risque d’une rupture d’approvisionnement s’est éloigné, la croissance économique apparaît, en ce début d’année, modérée mais résiliente. Notre prévision de croissance pour 2023 est légèrement rehaussée à 0,7 %. L’absorption des chocs majeurs passés, y compris chez nos partenaires économiques, implique cependant que la reprise de la croissance française serait, dans cette nouvelle prévision, un peu plus graduelle qu’auparavant, avec 1,0 % en 2024 et 1,5 % en 2025. L’environnement extérieur serait un peu moins porteur qu’anticipé en mars, et nous projetons une reprise encore en demi-teinte des échanges extérieurs et de nos exportations. Le nécessaire resserrement des conditions de financement produirait progressivement ses effets modérateurs non seulement sur l’inflation mais aussi, transitoirement, sur l’investissement. La consommation des ménages ne redémarrerait que graduellement.
     
  • Après avoir atteint son pic au deuxième trimestre, l’inflation IPCH (indice des prix à la consommation harmonisé) totale refluerait progressivement en seconde partie de 2023 et au-delà, pour revenir autour de 2 % d’ici 2025, sous réserve de l’absence de nouveaux chocs sur les matières premières importées. En moyenne annuelle, elle s’établirait à 5,6 % en 2023 et à 2,4 % en 2024. Notre prévision d’inflation est un peu révisée à la hausse en 2023 par rapport à notre projection de mars, du fait notamment d’une augmentation un peu plus persistante des prix alimentaires. En glissement annuel, elle devrait cependant être déjà revenue à environ 4 % au dernier trimestre 2023. Le repli de l’inflation dite sous-jacente (IPCH hors énergie et alimentation) serait un peu plus lent, compte tenu de hausses plus persistantes des salaires et des prix des services. Mais elle reviendrait aussi autour de 2 % d’ici 2025, grâce à la pleine transmission du resserrement monétaire en cours.
     
  • Nos projections ont été sensiblement révisées pour l’emploi (à la hausse) et le chômage (à la baisse). Cela reflète la prise en compte des évolutions de ces dernières années montrant une croissance plus riche en emplois. Au final, le taux de chômage augmenterait très modérément sur notre horizon de projection pour atteindre 7,6 % en 2025, un niveau qui demeure nettement inférieur à son niveau pré-Covid.
     
  • Le déficit public, qui pourrait atteindre voire dépasser 5 % du PIB en 2023, resterait supérieur à 4 % du PIB à l’horizon 2025. Le taux d’endettement public se stabiliserait seulement un peu au-dessus de 110 % du PIB d’ici 2025, alors qu’il baisserait nettement dans le reste de la zone euro.
     
  • Les aléas autour de cette prévision demeurent nombreux mais dans l’ensemble équilibrés.

 

Suite aux chocs passés, l’activité économique croîtrait à un rythme ralenti en 2023, avant de connaître une reprise progressive en 2024 puis en 2025

Cette projection, arrêtée fin mai, intègre les premières estimations des comptes nationaux du premier trimestre 2023, publiées le 28 avril 2023 par l’Insee, la première estimation de l’inflation IPCH du mois de mai, publiée le 31 mai dernier, ainsi que l’ensemble des informations conjoncturelles des enquêtes de la Banque de France relatives au deuxième trimestre. Elle se fonde également sur les hypothèses techniques de l’Eurosystème arrêtées au 23 mai 2023. En revanche, elle ne prend pas en compte la deuxième estimation des comptes nationaux du premier trimestre 2023 publiée le 31 mai, qui intègre également les comptes annuels provisoires de 2022. Toutefois, comme indiqué dans l’encadré infra, les implications de ces nouvelles données sur nos projections macroéconomiques sont dans l’ensemble limitées.

Depuis la mi-2022, la croissance du PIB en France est d’abord restée relativement atone, sous l’effet de l’essoufflement de la reprise post-Covid et des répercussions du choc de prélèvement extérieur lié notamment à l’invasion russe en Ukraine.

En 2023, après un premier trimestre plus robuste qu’initialement anticipé (variation trimestrielle de + 0,2 %), l’activité progresserait au deuxième trimestre sur un rythme aujourd’hui estimé à + 0,1 %. Sur la deuxième partie de l’année, l’activité poursuivrait sa progression sur un rythme trimestriel modéré, de l’ordre de + 0,2 %.

Au total, la croissance économique s’établirait à + 0,7 % en moyenne annuelle en 2023, révisée légèrement à la hausse (+ 0,1 point de pourcentage, pp) par rapport à notre précédente prévision. Cette révision limitée recouvre différents facteurs. D’une part, nous n’anticipons plus dans notre scénario central de difficultés liées à l’approvisionnement en énergie. De plus, nous prévoyons une révision à la hausse de la demande publique, en particulier en raison d’une augmentation des prestations sociales en nature cohérente avec le programme de stabilité. Ces facteurs compensent en 2023 l’évolution moins favorable qu’attendu pour l’environnement international (avec une demande mondiale adressée à la France révisée à la baisse et un taux de change de l’euro revu à la hausse), les effets négatifs sur le pouvoir d’achat et la consommation des ménages d’une inflation récente revue à la hausse par rapport à mars, ainsi que l’impact du resserrement des conditions de crédit sur l’investissement des ménages et des entreprises.

Aidée par la détente des prix de l’énergie amorcée fin 2022 et qui se poursuivrait jusqu’en 2025 selon nos hypothèses issues des marchés à terme, une phase de reprise s’amorcerait en 2024 et s’accentuerait en 2025, avec des rythmes de croissance en moyenne annuelle de 1,0 % en 2024 et de 1,5 % en 2025. La consommation des ménages regagnerait en dynamisme sous l’effet du repli de l’inflation. Par rapport à la prévision précédente, le ralentissement de l’activité serait, en 2023, moins prononcé qu’anticipé, mais le rattrapage de la tendance pré-Covid serait un peu retardé par la suite (cf. graphique 1).

L’impact du choc de prélèvement extérieur se réduirait nettement sur notre horizon de prévision. En 2022, la détérioration des termes de l’échange a engendré un surcroît de prélèvement extérieur d’environ un point et demi de PIB par rapport à 2021 (cf. graphique 2 infra), qui s’est matérialisé par une importante inflation et une ponction sur leur revenu réel pour les ménages et les entreprises. Ce choc des termes de l’échange se réduirait en 2023 à mesure que les tensions sur les prix de l’énergie et des autres matières premières importées s’atténueraient (cf. graphique 3), pour s’établir autour de 0,7 % du PIB, toujours par rapport à 2021. Il s’estomperait encore par la suite pour s’établir à 0,4 % en 2024 comme en 2025, pesant ainsi de moins en moins sur le niveau d’activité, d’autant qu’il est vraisemblable que des ajustements du tissu économique français (par exemple avec des économies d’énergie et une diversification des sources d’énergie) viendront de plus en plus compenser les effets rémanents de ce choc.


L’inflation totale semble avoir passé son pic au deuxième trimestre 2023. En l’absence de nouveau choc, elle reviendrait ensuite progressivement vers 2 % en 2025, avec toutefois des évolutions différenciées de ses composantes

Après avoir atteint un pic à 7,3 % en février 2023, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) a globalement reculé depuis plusieurs mois, pour atteindre 6,0 % en glissement annuel en mai (cf. graphique 4 infra). De plus, l’inflation hors énergie et alimentation est aussi en baisse, à 4,4 % en glissement annuel en mai 2023, après 4,7 % en avril.

Si certains facteurs temporaires ont soutenu les prix de l’énergie en début d’année (hausses des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité en janvier et février, impact des mouvements sociaux du mois de mars sur les marges de distribution et les prix des produits pétroliers), cette composante confirme son recul au mois de mai, en lien avec le reflux des prix du pétrole. La hausse des prix de l’alimentation – après des rythmes élevés traduisant le dynamisme des prix de production observés jusqu’en début d’année 2023 et leur transmission aux prix finaux après la finalisation des négociations commerciales portant sur les produits de marque nationale fin février – semble aussi commencer à se modérer en mai. Quant aux produits manufacturés, leur progression en glissement annuel décroît depuis quelques mois, reflétant la moindre progression des prix de production depuis la fin de l’année 2022. En revanche, la hausse des prix des services qui était, elle, restée stable à 3,6 % en glissement annuel d’octobre 2022 à janvier 2023, a un peu progressé pour atteindre 4,0 % en mai 2023, sous l’effet notamment des revalorisations salariales.

Au cours de l’année 2023, en l’absence de nouveau choc, l’inflation totale diminuerait nettement, essentiellement sur la deuxième partie de l’année. Elle s’établirait à 5,6 % en moyenne annuelle, et à 4,4 % pour l’inflation hors énergie et alimentation. Au quatrième trimestre 2023, la hausse de l’IPCH total, comme celle de sa composante hors énergie et alimentation, devrait être en glissement annuel autour de 4,0 %. Ce recul marqué de l’inflation totale au second semestre 2023 serait différencié suivant ses composantes, masquant des ajustements de prix relatifs.

Les prix de détail de l’énergie seraient en net déclin au cours de l’année 2023 dans le sillage des prix de gros sur les marchés internationaux, qui ont entamé leur reflux au quatrième trimestre 2022, en particulier pour le pétrole et le gaz. Les prix à terme du gaz sur le marché européen, revenus à leur niveau de l’été 2021, ne nous laissent pas anticiper de hausses importantes des prix finaux pour les ménages au cours du second semestre 2023 après la fin des tarifs réglementés au mois de juillet. De son côté, la hausse des prix de l’électricité serait toujours limitée par la prolongation du bouclier tarifaire jusqu’en 2025, comme annoncé par le Gouvernement fin avril.


Après avoir été soutenu par les mesures budgétaires en 2022, le pouvoir d’achat des ménages serait progressivement tiré par la progression des salaires réels, dans un contexte de résilience de l’emploi

Le pouvoir d’achat par habitant, ou revenu disponible brut réel par habitant, a stagné en 2022 (– 0,1 %) et connaîtrait un recul de – 0,4 % en 2023. L’impact du choc d’inflation sur le pouvoir d’achat moyen serait amorti par un ensemble de facteurs (cf. graphique 6 infra). Tout d’abord, corrigé de l’effet de l’activité partielle, le salaire moyen par tête progresserait de 5,5 % en 2023, à comparer à 3,8 % en 2022. Ensuite, le dynamisme de l’emploi, qui a nettement soutenu le pouvoir d’achat en 2022, devrait encore avoir une contribution légèrement positive en 2023. Enfin, les mesures budgétaires et fiscales, ainsi que le bouclier tarifaire, continueraient de soutenir le pouvoir d’achat même si de façon moins importante. Il faut néanmoins rappeler que ces évolutions macroéconomiques portent sur le pouvoir d’achat moyen. Elles peuvent donc recouvrir des situations très différenciées entre catégories de ménages.

Même si nous anticipons une certaine persistance des hausses des prix des produits alimentaires, celles-ci reflueraient néanmoins nettement au cours du second semestre, reflétant la détente sur le prix des intrants agricoles (matières premières alimentaires, mais aussi coût des moyens de production agricole). Toutefois, cela ne signifie pas que nous anticipons une baisse du niveau des prix de l’alimentation : historiquement, les hausses des prix des matières premières alimentaires sont partiellement répercutées et leurs replis ne s’accompagnent pas d’une baisse des prix finaux mais d’un arrêt de leur hausse.

La hausse des prix des produits manufacturés reviendrait, elle, plus rapidement sur un rythme modéré à partir du quatrième trimestre 2023, traduisant le net recul en glissement annuel des prix de production de l’industrie entamé au quatrième trimestre 2022, à la suite de celui des prix d’importation.

La hausse des prix des services serait en revanche plus persistante, tirée plus durablement par les salaires, sous l’impulsion notamment des revalorisations du Smic et des salaires négociés au niveau des branches d’activité. À cela s’ajoute le rétablissement attendu des marges dans certains secteurs vers des niveaux plus proches de leur moyenne historique. Ainsi, la hausse des prix des services ne commencerait à ralentir que début 2024.

En 2024, dans un contexte d’accalmie sur les prix des matières premières énergétiques et alimentaires tel qu’anticipé aujourd’hui par les marchés à terme, l’ensemble des composantes de l’inflation se replierait. La contribution principale à l’inflation viendrait alors des prix des services (cf. graphique 5 infra), soutenus, même si de façon progressivement plus modérée, par les hausses retardées des salaires et des loyers, et par la poursuite du rétablissement attendu des marges dans certains sous-secteurs. En moyenne annuelle, l’inflation totale reculerait à 2,4 % et l’inflation hors énergie et alimentation diminuerait plus lentement, à 3,0 %.

En 2025, l’inflation totale et l’inflation hors énergie et alimentation continueraient de refluer, à 1,9 % et 2,1 % en moyenne annuelle respectivement, sous le double effet de la poursuite de la normalisation des prix des matières premières (énergétiques et alimentaires), mais aussi de l’impact progressif du durcissement de la politique monétaire sur l’inflation sous-jacente. En particulier, les hausses des prix des services commenceraient à ralentir en lien avec des revalorisations salariales nominales moins marquées que les années précédentes, alors que les salaires réels resteraient quant à eux assez dynamiques grâce à la modération de l’inflation totale (cf. tableau « Évolution des salaires réels » infra).

 

En 2024 et 2025, le pouvoir d’achat par habitant regagnerait en dynamisme, sous l’effet du repli de l’inflation : il augmenterait ainsi de 0,9 % en 2024 et de 0,5 % en 2025, ce qui le porterait à un niveau supérieur de 2,8 % par rapport à son niveau pré-Covid de 2019.

Le tassement du pouvoir d’achat en 2022 et 2023 aurait des conséquences temporaires sur la consommation des ménages, qui se replierait légèrement en 2023 (– 0,1 %). La consommation accélérerait ensuite en 2024 (+ 1,5 %) puis progresserait au même rythme en 2025, avec la reprise de l’activité économique et du pouvoir d’achat.

Après des niveaux historiquement élevés observés en 2020 et 2021 en lien avec les restrictions sur la consommation des ménages pendant les confinements, le repli du taux d’épargne serait interrompu en 2023 par le niveau élevé de l’incertitude lié notamment à la guerre en Ukraine, mais reprendrait progressivement pour atteindre 15,6 % en 2025 (cf. graphique 7 infra), soit un niveau légèrement supérieur à celui observé en 2019 (15,0 %).


La progression des salaires nominaux connaîtrait son pic en 2023 tout en restant dynamique sur tout l’horizon de prévision. Les entreprises verraient leurs taux de marge globalement un peu diminuer en 2023 et 2024, avant de se redresser en 2025 grâce au rétablissement des gains de productivité

Dans un contexte de stagnation de la productivité par tête et en dépit de la relative modération des salaires par tête, les coûts salariaux unitaires (CSU, ratio des coûts de la main-d’œuvre sur la productivité du travail) ont nettement augmenté, d’environ 5 % en 2022 dans le secteur marchand. De plus, les entreprises ont subi une augmentation du coût de leurs consommations intermédiaires en raison des tensions sur les prix de l’énergie et des autres matières premières. Cependant, elles ont en partie répercuté ces hausses de coûts dans leurs prix de vente (et donc dans le prix de la valeur ajoutée), ce qui a permis de limiter la baisse agrégée du taux de marge des sociétés non financières en 2022 par rapport à son niveau record de 2021 : il est revenu l’an dernier au voisinage de ses niveaux pré-Covid (cf. graphique 8 infra).

 

Du côté des salaires, le salaire mensuel de base dans le secteur privé, indice publié par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et qui reflète la tendance sous-jacente des salaires hors primes, a augmenté de 4,6 % en glissement annuel au premier trimestre 2023, après + 3,9 % au quatrième trimestre 2022. Le plus fort dynamisme du salaire moyen par tête (SMPT) observé en 2022 reflète en particulier les versements élevés de la prime de partage de la valeur (PPV), qui a succédé à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Selon les estimations de l’Insee, dans les branches marchandes non agricoles, la PPV aurait en effet contribué à hauteur d’environ 1,5 point au glissement annuel du SMPT (environ + 5 %) au quatrième trimestre 2022. Nous projetons qu’en 2023 les versements de PPV demeureront dynamiques, contribuant ainsi, avec les revalorisations à l’ancienneté, les hausses individuelles et le turnover, à maintenir l’écart observé récemment entre le glissement annuel du SMPT et celui du salaire mensuel de base (cf. graphique 9).

En 2023, 2024 et 2025, dans un contexte de repli de l’inflation mais avec un marché du travail toujours tendu, le SMPT, corrigé du chômage partiel, augmenterait de 5,5 %, 4,2 % et 3,6 % respectivement (avec un pic au troisième trimestre 2023 en glissement annuel s’élevant à + 6,2 %), après avoir déjà crû au rythme de 3,8 % en 2022. Le salaire réel par tête du point de vue du salarié, mesuré en corrigeant le SMPT par le déflateur de la consommation des ménages – cf. tableau infra –, progresserait donc assez nettement en 2024 et 2025, après avoir reculé en 2022-2023.

Du point de vue des entreprises, le SMPT du secteur marchand progresserait de nouveau plus rapidement que le prix de valeur ajoutée, et la croissance du salaire réel (« vu du producteur », c’est-à-dire déflaté par le prix de la valeur ajoutée) serait de nouveau positive à partir de 2023 (cf. tableau), après avoir été négative de 2020 à 2022 en cumulé. L’impact du dynamisme des coûts salariaux unitaires sur les marges des entreprises serait cependant amorti par la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Par ailleurs, dans un contexte de reprise de l’activité économique, les entreprises ajusteraient leurs effectifs, et les gains de productivité commenceraient à se redresser à partir de 2024. Ainsi, le taux de marge ne diminuerait que légèrement pour atteindre 31,5 % en 2024. En 2025, à la faveur d’un redressement de l’activité économique et d’une progression du salaire réel moins rapide que celle de la productivité, le taux de marge remonterait à 32,0 %, soit un niveau légèrement supérieur à son niveau de 2018 (il faut comparer au niveau de 2018 comme point de référence pour la période pré-Covid, car l’année 2019 est affectée par le double compte du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE).


Dans un contexte de resserrement des conditions de financement, nécessaire pour maîtriser l’inflation, l’investissement privé fléchirait temporairement

En France comme en zone euro, les conditions de crédit bancaire se sont normalisées depuis la fin de l’année 2022. L’effet des conditions du crédit bancaire sur l’investissement des ménages et des entreprises, au-delà des taux d’intérêt, n’est pas toujours bien pris en compte dans les modèles de prévision. Un exercice de quantification a permis de l’évaluer sur la base de modèles alternatifs intégrant davantage d’interactions entre variables macroéconomiques, financières et bancaires. Cela a conduit à estimer en France un impact additionnel des conditions de financement modéré, de l’ordre de – 0,1 pp sur la croissance du PIB par an sur l’horizon de prévision, via principalement l’effet sur l’investissement privé.

En conséquence, l’investissement des entreprises en volume a été révisé à la baisse sur notre horizon de projection, tout en restant relativement résilient grâce notamment à la relative bonne tenue des marges des entreprises et au dynamisme de l’investissement immatériel lié à la transition numérique. Fin 2025, le volume d’investissement des entreprises demeurerait toutefois supérieur de 10 % à son niveau pré-Covid. En ce qui concerne l’investissement des ménages, après avoir atteint un niveau élevé en 2021-2022, il a amorcé un repli qui se poursuivrait dans ce contexte de normalisation des conditions de financement et se stabiliserait d’ici fin 2024.


Suite au ralentissement de l’activité, le taux de chômage, historiquement bas, remonterait un peu en 2024 et 2025. Mais cette hausse serait nettement atténuée par rapport à nos précédentes prévisions

Alors qu’au dernier trimestre 2022 les créations nettes d’emploi avaient fortement ralenti par rapport au trimestre précédent, l’emploi salarié privé au premier trimestre 2023 a progressé de + 42 000 emplois, bien que nous anticipions en mars une poursuite du ralentissement observé fin 2022. Au deuxième trimestre, sur la base des indicateurs de court terme disponibles (enquêtes de conjoncture, intentions d’embauche), nous prévoyons une poursuite ralentie des créations d’emploi, à un rythme deux fois moins élevé par rapport au premier trimestre.

Sur le reste de notre horizon de projection, un certain nombre de facteurs nous ont conduits à réviser de manière significative l’emploi à la hausse et le taux de chômage à la baisse par rapport à notre prévision de mars, même si nous projetons toujours un affaiblissement cyclique de l’emploi, mais plus atténué.

D’abord, nos prévisions passées reposaient sur une fermeture assez rapide du cycle de productivité du travail (c’est-à-dire de l’écart entre la productivité du travail et sa tendance de moyen-long terme), alors que les données récentes ne montrent pas que ce mouvement soit déjà enclenché. Nous avons donc ralenti le rythme de rattrapage de la productivité du travail vers sa tendance (cf. graphique 10 infra). Depuis quelques années, deux types de facteurs – temporaires et durables – tirent en effet à la baisse la productivité du travail. Même si ce diagnostic est entouré d’une incertitude importante, comme illustré par des scénarios alternatifs dans notre dernière prévision, nous maintenons notre évaluation de mars d’après laquelle les facteurs durables représenteraient environ la moitié des pertes de productivité observées fin 2022. Toutefois, suite aux erreurs positives sur l’emploi marchand dans nos exercices de prévision antérieurs, nous anticipons à présent que le cycle de productivité se refermerait, sur trois ans environ au lieu de deux dans notre prévision de mars. Les gains de productivité par tête seraient ainsi quasi nuls en 2023, l’emploi demeurant aussi dynamique que l’activité, puis augmenteraient de 1,6 % en 2024 et de 2,0 % en 2025. Le cycle de productivité se refermerait ainsi progressivement à partir de 2024, mais serait encore légèrement négatif en 2025, avec vocation à se refermer complètement en 2026. Cela implique plus de créations d’emploi salarié marchand pendant quelques années en comparaison de notre prévision de mars.

Ensuite, cette prévision intègre pour la première fois les effets de la réforme des retraites, dont la montée en charge progressive à partir de septembre 2023 aurait un impact positif sur le nombre d’actifs qui se transmettrait progressivement à l’emploi.

Enfin, deux facteurs spécifiques sont aussi révisés. Nous intégrons des révisions positives sur l’emploi marchand non salarié, en lien avec le nombre élevé de microentreprises créées ces dernières années. Nous atténuons également la baisse de l’emploi salarié non marchand, afin de mieux tenir compte de sa corrélation passée avec l’emploi public.

Ainsi, en 2023, nous anticipons finalement un ralentissement du nombre de créations d’emploi (+ 160 000 emplois salariés dans le secteur marchand, après + 581 000 en 2022), mais moindre qu’anticipé en mars (+ 53 000). En 2024 et 2025, l’emploi salarié marchand diminuerait un peu, sous les effets du ralentissement de l’activité et du rétablissement partiel de la productivité.

Le taux de chômage se stabiliserait en 2023 autour de 7,1 %, avant d’augmenter modérément en 2024 (7,4 %) et en 2025 (7,6 %, soit un demi-point en dessous de nos précédentes prévisions – cf. graphique 11).


À législation inchangée, le déficit public baisserait à l’horizon de la prévision, mais resterait supérieur à 4 % du PIB, et le ratio de dette publique ne diminuerait pas

Nos prévisions n’intègrent pas ici les mesures de redressement annoncées par le ministère de l’Économie et des Finances en vue des Assises des finances publiques le 19 juin.

En 2023, le déficit public risque de repasser au-dessus de 5 % du PIB (après 4,7 % en 2022). Cette hausse en 2023, malgré la réduction des mesures d’urgence et de relance, et la stabilisation du coût net du bouclier tarifaire, proviendrait essentiellement d’une normalisation des recettes exceptionnelles de 2022 et, dans une moindre mesure, de l’impact retardé sur les dépenses publiques de la forte inflation passée. Le ratio des recettes publiques baisserait d’un point de PIB, en 2023, partiellement compensé par une baisse de 0,5 point de PIB du ratio de dépenses publiques. Du côté des recettes, la normalisation progressive des impôts sur les sociétés et la suppression en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) contribueraient à une diminution de 0,5 point de PIB du taux de prélèvements obligatoires. Par ailleurs, les autres recettes (en particulier du fait du reflux du soutien du fonds européen au plan de relance) diminueraient dans les mêmes proportions. Dans le même temps, le ratio de dépenses publiques baisserait de 0,5 point de PIB, en raison de l’extinction des mesures liées à la crise sanitaire et de la fin du plan de relance, même si elles sont en partie relayées par de nouveaux dispositifs tels que France 2030, le fonds vert et le soutien à l’apprentissage. L’impact retardé de la forte hausse de l’inflation en 2022 viendrait un peu augmenter les dépenses publiques hors mesures discrétionnaires de consolidation budgétaire. En particulier, la charge d’intérêt resterait assez stable en pourcentage du PIB par rapport à 2022, l’effet de la hausse des taux d’intérêt étant cette année compensé par le repli des indices d’inflation servant de référence pour la dette indexée.

En 2024-2025, à législation constante, le déficit public devrait diminuer pour atteindre environ 4,5 % du PIB à la fin de la période de prévision. Cette baisse progressive serait portée par celle du taux de dépenses publiques, tandis que les recettes en pourcentage du PIB demeureraient stables. Le poids des dépenses publiques diminuerait d’1 point de PIB environ, tiré à la baisse par la disparition du bouclier tarifaire, ainsi que par les réformes des retraites et de l’assurance chômage. Le taux de prélèvements obligatoires resterait stable, en raison d’une élasticité unitaire. En fin d’horizon de prévision, il serait ainsi proche de son niveau pré-Covid (44,7 % du PIB en 2019 hors double compte du CICE), tandis que le ratio des dépenses publiques serait encore supérieur d’environ 2 points à celui de 2019. Cette augmentation serait due pour un tiers à la hausse de la charge de la dette, et pour les deux autres tiers à celle des dépenses primaires. Cet alourdissement durable des dépenses primaires s’expliquerait à la fois par des mesures en cours (France 2030, soutien à l’apprentissage, réforme du lycée professionnel) et par le fait qu’à dépenses inchangées en volume, leur ratio est majoré par un effet dénominateur dû à la perte durable de PIB potentiel. Ces éléments ne seraient que partiellement compensés par la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage, qui continueraient de monter en charge après 2025.

Le ratio de la dette publique ne diminuerait pas et resterait proche de 111 % du PIB sur tout l’horizon de prévision (cf. graphique 12). Après avoir davantage augmenté lors de la crise Covid (+ 15 points de PIB en France entre 2019 et 2021, contre + 11 points dans la zone euro dans son ensemble), le taux d’endettement public français ne se replierait que de – 1 point entre le pic de 2021 et 2025, à comparer à une baisse de – 8 points pour l’ensemble de la zone euro (à 87 % du PIB en 2025 selon les projections de l’Eurosystème) qui effacerait ainsi la quasi-totalité de la hausse antérieure. D’où un creusement durable de l’écart entre la France et la zone euro.


Les aléas sur l’activité et l’inflation demeurent nombreux mais sont globalement équilibrés

Les aléas négatifs relatifs à de possibles ruptures d’approvisionnement en énergie et à leurs conséquences potentielles sur l’activité ne se sont pas matérialisés durant l’hiver 2022-2023. Toutefois, des risques demeurent sur l’évolution de la situation géopolitique liée à la guerre russe en Ukraine, avec de possibles difficultés d’approvisionnement en énergie lors de l’hiver 2023-2024, qui constitueraient un risque à la hausse sur l’inflation et à la baisse sur la croissance à cet horizon. L’ensemble du contexte géopolitique constitue plus généralement un risque en termes de prix de nos importations de matières premières.

En ce qui concerne la demande mondiale, si la reprise de la Chine est pour l’instant en demi-teinte, elle pourrait, si elle se renforçait, avec un relais de l’ensemble de l’Asie, être un soutien à l’activité, en favorisant la demande étrangère et en réduisant les difficultés d’approvisionnement. En sens inverse, une récession aux États-Unis ne peut totalement être exclue à l’horizon de la projection, notamment si l’inflation se révélait plus persistante qu’attendu. Quant à la demande intérieure en France, une baisse plus marquée du taux d’épargne des ménages, qui demeure élevé à l’horizon de notre projection, pourrait venir davantage soutenir la consommation et donc la croissance
du PIB.

En ce qui concerne les facteurs internes influençant l’inflation, il existe là aussi des aléas des deux côtés. La persistance de l’inflation hors énergie et alimentation pourrait être plus forte qu’anticipé, en cas notamment de revalorisations salariales plus importantes et plus prolongées. Toutefois, il est également possible que la politique monétaire puisse avoir un impact plus fort ou plus rapide sur l’inflation que ce que nous inscrivons dans nos prévisions.

 

Encadré

Les derniers comptes nationaux, publiés après la clôture de cette prévision coordonnée par l’Eurosystème, confirment la croissance du PIB à 0,2 % au premier trimestre 2023, mais révisent le taux d’épargne des ménages à la hausse

 

Le 31 mai 2023, l’Insee a publié la deuxième estimation (résultats détaillés) des comptes de la Nation pour le premier trimestre 2023. Compte tenu de la date de clôture de notre exercice de prévision, ces résultats n’ont pas pu être intégrés dans notre nouvelle prévision.

 

La croissance du PIB sur le premier trimestre 2023 est confirmée à 0,2 %, tandis que la croissance annuelle 2022 est révisée légèrement à la baisse, à 2,5 %, au lieu de 2,6 % dans la première estimation des comptes trimestriels publiée le 28 avril. L’acquis de croissance pour l’année 2023 à l’issue du premier trimestre demeure inchangé, à 0,4 %. Les résultats détaillés n’ont donc pas d’incidence sur notre prévision de croissance du PIB pour 2023, qui intègre les premières estimations.

 

La composition de la croissance est toutefois révisée :

  • Au total, la demande intérieure contribue négativement (– 0,2 point de pourcentage, pp) à la croissance sur le trimestre et est révisée de – 0,1 pp par rapport à la première estimation. Cette révision est surtout liée à l’investissement, qui est fortement revu à la baisse, à – 0,8 % (– 0,2 % dans la première estimation) ;
  • À l’inverse, la contribution positive du commerce extérieur à la croissance est révisée à la hausse, à + 1,0 pp (contre + 0,6 pp en première estimation) du fait d’un recul des importations (– 2,8 %, contre – 0,6 % en première estimation) beaucoup plus marqué que celui des exportations (– 0,2 %, contre + 1,1 % en première estimation) ;
  • Enfin, la contribution des stocks à la croissance est quant à elle revue à la baisse (– 0,6 pp, contre – 0,3 pp), en raison notamment du déstockage en autres produits industriels et en pétrole brut, conséquence des grèves passées dans les raffineries.

 

La deuxième estimation donne également de premières informations sur les comptes des ménages et des entreprises. Si les évolutions de l’emploi, des revenus des ménages et du taux de marge des sociétés non financières sont globalement proches de ce que nous anticipions, le taux d’épargne des ménages s’établit en revanche au premier trimestre 2023 à un niveau nettement plus élevé qu’anticipé (18,3 %, contre 16,6 %). En plus d'une forte révision à la hausse fin 2022 (18,7 %, soit une révision de + 1,1 pp), la baisse du taux d'épargne au premier trimestre 2023 (– 0,4 pp) est plus limitée que celle qui est inscrite dans notre prévision (– 1,0 pp), en raison de revenus réels plus dynamiques qu’attendu. Ce surplus d’épargne initial pèse à court terme sur la dynamique de la consommation des ménages, mais pourrait dégager des marges de manœuvre pour une plus forte progression à moyen terme.

Annexe A : Hypothèses techniques de l’Eurosystème

Annexe B : Points clés de la projection France en fin d’année

Annexe C : Contributions à la croissance du PIB

Annexe D : Indicateurs complémentaires

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publication
Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Juin 2023
  • Publié le 20/06/2023
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Mis à jour le : 28/06/2023 15:50